jeudi 18 septembre 2008

Le cancre sans passé

Oeuvre chorale, le film Le Banquet du cinéaste Sébastien Rose suit le parcours de quelques personnages sur fond de grève universitaire. Si a priori le conflit que dépeint le film est de nature inter-générationnelle par l'illustration d'une opposition marquée entre la jeunesse étudiante et le corps professoral issu du baby-boom, le clivage qu’il expose réellement est plutôt d’ordre social.

Assez étonnement, le film permute la typologie propre aux exclus sociaux avec celle des individus généralement inclus socialement. En ce sens, le personnage du talentueux-et-intègre-leader-étudiant est issu d’un milieu ethnique modeste tandis que la fille-mère-décrocheuse-et-toxicomane provient d’une famille bourgeoise blanche.

En optant pour une telle caractérisation des personnages, Le Banquet tente de démontrer le succès du principe d’égalité des chances dans la société québécoise. En tant que simples caractéristiques individuelles, l’origine sociale, la situation économique, le sexe et la communauté ethno-culturelle d’appartenance seraient alors sans conséquences sur la réussite scolaire. Ainsi, les inégalités présentes ne seraient donc pas sociales mais bien, naturelles.

Or, cette thèse bénéficie d’une défense plutôt inégale tout au long du film. En effet, contrairement aux autres protagonistes, les personnages du leader-étudiant-bagarreur-et-arriviste et du cancre-arrogant-et-désaxé sont décontextualisés. C’est donc simplement sur parole qu’on nous invite à croire que leurs comportements scolaires condamnables (opportunisme pour l’un, harcèlement et violence pour l’autre) ne sont pas en lien avec leur environnement social. Pourtant, les incidences négatives sur la réussite scolaire de facteurs tels que l’immigration, la pauvreté, la défavorisation économique et les rapports hommes/femmes en mutation sont connues.

C’est donc avec une certaine démagogie qu’on veut nous faire admettre que l’accession aux études supérieures d’étudiants faibles ou peu méritants doit cesser puisqu’elle met en péril le niveau d’enseignement. Si la réussite scolaire ne dépendait que de la volonté individuelle, il serait aisé de se ranger du côté de cette opinion. Toutefois, elle découle de facteurs sociaux. Ainsi, contrairement à ce que cherche à affirmer l’équipe scénaristique, la solution au problème de la qualité de l’éducation ne se trouve pas dans l’élitisme passé mais plutôt dans l’irradiation des inégalités sociales. En somme, à l’égalité des chances doit maintenant succéder l’égalité des acquis.

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