samedi 11 octobre 2008

Vous avez dit «fracture numérique» ?

Hier soir à l’émission Une heure sur Terre, j’ai pu voir un reportage traitant de la scolarisation au Sénégal. Là-bas, l’oeuvre d’alphabétisation de la fondation Paul Guérin-Lajoie (PGL) se trouve en péril. Des modifications aux modes de distribution de l’aide financière qu’accordent plusieurs pays occidentaux à l’Afrique sont à l’origine de la situation. Ainsi, si auparavant PGL venait en aide à plus de 200 écoles, elle n’en soutient plus qu’une quarantaine. Et celles-ci se trouvent maintenant dans un état pitoyable: Toits menaçants de s’effondrer, murs nécessitants des poutres de soutènement, classes surpeuplées et manque criant de matériel scolaire (lire ici des dictionnaires, des ardoises et des craies !).

Vous avez dit «fracture numérique» ?

Il est désolant de voir que loin de se combler, le fossé entre le Nord et le Sud s’agrandit sans cesse: alors que nous nous pâmons maintenant devant le grand potentiel éducatif des TIC, d’autres se considèrent chanceux de fréquenter l’école jusqu’à la fin du primaire !

En ce sens, par souci d’équité, certains voient d’un bon oeil l’initiative One laptop per child, par laquelle on souhaite «fournir des opportunités éducatives aux enfants les plus pauvres de la planète» en leur offrant un ordinateur de base... fonctionnant à la bonne vieille huile à coude ! Or, cette nécessaire manivelle produisant de l’électricité comme au temps des dynamos devrait suffire à nous faire comprendre qu’ici, nous ne procédons certainement pas dans l’ordre.

En effet, plusieurs pays africains demeurent encore sous-développés ou présentent un faible niveau de développement. Les Africains ne sont pas maîtres de leurs économies primaire et secondaire et nous voudrions tout de même les aider à développer une économie des savoirs numériques ? L’autogestion de leurs ressources naturelles et l’accès à une éducation de base pour tous les enfants apparaissent être des solutions bien plus pertinentes que celle d’introduire quelques enfants africains aux bienfaits des TIC.

Ce n’est pas tant le projet One Laptop per Child qui soit ici problématique. Il semble même pertinent dans une économie mondiale qui vibrera bientôt totalement au rythme du numérique. Toutefois, prise indépendamment, cette initiative demeure un coup d’épée dans l’eau, une aide factice destinée à masquer la réelle mainmise de l’Occident sur l’économie africaine. Pour aider, il ne faut pas seulement tendre des outils, il faut aussi défaire les chaînes.


Voir aussi:

Nicholas Negroponte: "The vision behind One Laptop Per Child"



Cette conférence provient de TED: Ideas worth spreading, un site extrêmement riche en vidéos disponibles pour la baladodiffusion. TED s’avère particulièrement utile pour qui compte s’intéresse aux technologies, au design ou à l’art.

2 commentaires:

Anonyme a dit…

Je suis toujours extrêmement réfractaire à ces présences actives religieuses dites éducatives (non pas qu'il n'y ait rien de positif qui soit apporté).

L'école catho, non merci.

N'oublions pas qu'en Afrique, avec une majorité musulmane, mais dans certains pays, un bon nombre de catholiques, le tout souvent mêlé ou empreint de croyances payennes, le SIDA fait des millions de morts et d'orphelins, et l'é(pas de majuscule pour moi là)glise catholique intedit toujours le port du condom et des contraceptifs.

À contresens? Participer à la mise sur pied d'infrastructures diverses, pourquoi pas... Ce programme a l'air de créer une autre sorte de structure. Une infrastructure, un ciment social, une envie d'être ensemble pour toutes sortes de raison, d'avoir de l'éclairage à celui d'avoir un... clairage.

La métaphore de la lumière, disait le prof que je n'ai pas complètement écouté, est multiple, en passant par le siècle des Lumières. Sinon, on fait quoi? Tourner en rond pour stigmatiser l'état de Moyen-Âge, tout au plus, dans tant de parties d'Afrique, alors que les plus riches, car il y en a, ont accès au reste? Pourraient, eux aussi, participer à la mise sur pied de ces infrastructures nécessaires à la survie dans le quoitidien, à un meilleur contrôle des richesses naturelles, s'ils y trouvent leur propre intérêt, plutôt que de les négocier avec des pays capitalistes.

J'ai l'impression que cela donne envie de dépasser le fait d'avoir de l'eau et de manger à sa faim. Donc, le gout d'étudier, de savoir, d'apprendre, de connaitre.

Et c'est aussi écologique, je crois.

Pourquoi pas l'un ET l'autre, sans religion derrière.

zed ¦)

Julie a dit…

Peut-être peut-on effectivement passer directement à l'économie du savoir numérique. Peut-être que ces technologies peuvent permettre de construire une économie locale, des savoirs locaux et des pouvoirs locaux qui permettraient par la suite de reprendre le contrôle sur le reste.

La rêveuse